La confrérie de saint Ulrich et celle de saint Sébastien

La date de 1472 et le nom de la confrérie de Saint Ulrich s’affichent sur un vitrail de la nef au latéral nord. Pourquoi ce chiffre précis ?

Le 3 juillet 1472 à minuit, les maisons de la place des Forgerons sont la proie des flammes. Pendant la nuit, l’incendie attaque les immeubles en direction du Gottéron et de la porte de Berne. Les gens crient de peur et de désespoir. Tout à coup, en habits sacerdotaux, les moines sortent de l’église,psalmodient des antiennes et portent le Saint Sacrement. Avec les gens en larmes, la procession demande l’intercession de la Sainte Vierge, de saint Nicolas, patron de la ville et de Saint Ulrich, le saint du jour. Et peu à peu les flammes se calment. Impressionné, le gouvernement y voit la main du Saint du jour. Alors les Reyff, les Englisberg, les Garmiswyl, les Praroman, les Techtermann fondent une confrérie en l’honneur de saint Ulrich. Le jour de sa fête, le 4 juillet, ils célèbrent une messe et récitent le nom des membres disparus. Cette société a deux secrétaires connus: Pierre Gurmel, un ancien greffier et Pierre Spreng, un ancien bailli de Bellegarde. Elle a des membres actifs dans la vie fribourgeoise et suisse, par exemple, le vicaire général Pierre Schneuwly et un évêque de Bâle. Elle compte plus de 1400 membres au début du XVIIe siècle. Pendant la peste de 1578, elle verra mourir 55 de ses membres. En 1907, le gouvernement de Fribourg perpétue la mémoire des célèbres corporations de l’Auge dans les vitraux de la nef de l’église. Il demande au jeune Raymond Buchs, un enfant du Stalden, qui vient d’achever son apprentissage de peintre-verrier et qui continue sa formation artistique en Allemagne, de créer les portraits des saints patrons de ces associations.

L’artiste dessine le visage de saint Ulrich, un bel évêque aux traits pleins de noblesse et de tendresse. Buchs n’oublie pas les attributs du personnage: la bible et le poisson. Saint Ulrich a été l’évêque d’Augsbourg au Xe siècle et le premier saint de l’histoire à être canonisé par un pape. Mais la rue des Forgerons possède un souvenir plus anciende la confrérie de Saint Ulrich. Une statue de ce saint habite la façade de la dernière maison. Saint Ulrich accueille le visiteur en tenant sa crosse dans la main droite et un poisson dans l’autre. D’ailleurs l’arrivée de saint Ulrich, un saint suisse et germanique dans la vie de Fribourg, encourageait les partisans de la Suisse, ceux qui voulaient ardemment devenir un canton de la Confédération et quitter l’alliance avec la Savoie.

Le capitaine saint Sébastien subit le martyre lors des terribles persécutions de Dioclétien. Il est le patron de plusieurs villes en Europe et en Amérique. Les armoiries de Rio de Janeiro portent les trois flèches de son protecteur. Mais saint Sébastien est aussi et surtout le patron des tireurs.
Les tireurs de la ville avaient une fois leur siège religieux dans l’église de l’Auge. Avec le droit de célébrer leur patron et leurs morts dans la chapelle Felga. Cette chapelle fondée par les Felga, la grande famille protectrice des Augustins est devenue la sacristie. Les tireurs pouvaient y regarder la sépultured’un vieux fribourgeois, Jean Felga, revêtu de sa longue cotte de maille, qui attendait l’éternité, sa tête posée sur son heaume surmonté d’un cimier, avec le pommeau de sa longue épée, serti de pierres précieuses et de reliques. Sur la cuisse gauche de ce noble chevalier, les archers de la ville contemplaient l’écu armorié «de gueules, fascé de trois jantes de roues d’argent». Sur lebord chanfreiné de la pierre tombale, les tireurs déchiffraient des abréviations latines:«Anno domini MCCCXXV, XVI kalendas januarii obiit Johannes de Tutingen dictus Felga». Donc, ce Jean Felga, possesseur de riches domaines en Singine meurt le 17 décembre 1325. Au XVIIe siècle, la confrérie de Saint Sébastien quitte l’Auge et émigre à l’église des Cordeliers. La pierre tombale du chevalier Felga se trouve maintenant au Musée d’Art et d’Histoire.

Le médaillon de Buchs interpelle. L’artiste se montre avant gardiste. Son saint Sébastien a un visage jeune, aux traits longs et fins. Une chevelure rousse, bouclée et soignée couronne cette belle tête. La main de cet adolescent tient une des flèches de son martyre dans un geste très délicat. Une petite statuette de ce saint se trouve aussi au sommet de l’autel Saint Victor. On sait que saint Sébastien est aussi prié maintenant pour éloigner le sida.

 

Texte tiré de l'ouvrage NICOULIN, Martin, "Invitation à la joie éternelle, L'église de l'Auge et ses saints", Paroisse Saint-Maurice, 2016.